La première élection municipale à Montreux-Vieux après l’annexion

Nous avons dit que les journaux allemands triomphaient de l’élection de Prussiens, comme conseillers municipaux, par deux communes alsaciennes. Voici l’explication de ce succès pour une des deux communes, Montreux-Vieux : Je viens de lire dans votre numéro du 18 août courant, que votre correspondant de Strasbourg vous signale l’article de la Gazette de l’Allemagne du Nord et du Journal de Cologne, enregistrant avec ostentation le résultat des élections de Montreux-Vieux et de Novéant. Voudriez-vous, pour l’honneur de Montreux, mon village, et de mes concitoyens, insérer dans votre prochain numéro les détails manquant à votre correspondant, et qui expliquent l’arrivée au conseil municipal des divers employés prussiens. Notre commune comptait, avant l’annexion, deux cents habitants; aujourd’hui, par l’immigration allemande, nous en comptons six cents; notre lista électorale comprend qua- rante électeurs indigènes et cent dix électeurs prussiens. « Vous devez voir par ces chiffres que nous étions réduits à la plus grande impuissance, et que, comme à Wœrth, nous allions lutter un contre dix, sans compter les vieilles rancunes qui divisaient encore les habitants de la localité, entre eux. Mais il s’agissait de bien grands intérêts : notre administration allait être confiée à des mains étrangères et protestantes ; nous avions à craindre que les démarches faites par le pasteur allemand, pour obtenir la moitié de notre église, ne réussissent à aboutir (ce qui aujourd’hui est malheureusement presque certain). A ces considérations, chacun estime qu’il est de son de voir de résister, ne serait-ce que comme protestation; les haines, vivaces encore hier, s’éteignent instantanément, tous oublient le passé pour sauver l’avenir. La disproportion du nombre, la crainte, des revendications de la part de ceux qui arriveront certainement, rien a ne les empêche d’accomplir leur devoir d’électeur et de catholique. Une heure avant la clôtura du scrutin, vous auriez pu voir les quarante électeurs en un seul groupe, les infirmes soutenus par les valides, aller déposer leur vote dans l’urne qui contenait déjà les bulletins allemands. A ce premier tour, les Allemands ne réussirent à élire que le maire actuel et deux des leurs; nous, nous obtenions, je ne sais par quel hasard, d’élire un des nôtres. Au second tour, nous avions, pour résultat définitif, huit conseillers allemands, y compris le maire, et quatre des nôtres ; tous sont employés : chef de gare, contrôleur de douanes, caissier, piqueur au chemin de fer, employé aux écritures, etc. Je m’aperçois que je suis trop long, mais, comme dernier détail, il ne serait pas inutile de vous dire que notre église a été bâtie, il y a plus d’un siècle, par nos pères, qui, à cette époque, n’avaient pour toute fortune que quelques pauvres attelages; que le plan en a été fait à titre d’aumône par le général Kléber, alors architecte à Belfort. Je crois que ce que nous pouvions faire au moins, c’était bien de défendre ce que nos pères avaient édifié au prix.de privations et de sacrifices. Vous comprendrez bien, monsieur le rédacteur, que je ne puis adresser ces quelques lignes aux journaux de Cologne et autres, qui n’ont pas fait suivre leur article de l’observation que les électeurs indigènes, comme dernier effort, avaient envoyé huit protestations revêtues des signatures de tous; effort bien inutile, c’est vrai, mais qui n’en prouve pas moins la volonté de faire le possible. Sources L’Univers 23 août 1876