Le saviez-vous ? Marthe Klinger traduisait en gare de Montreux-Vieux les télégrammes reçus en morse d’Allemagne

Le saviez-vous ? Marthe Klinger traduisait en gare de Montreux-Vieux

les télégrammes reçus en morse d’Allemagne

Marthe Klinger

Marthe Klinger est née le 23 septembre 1921 à Saint-Louis (Haut-Rhin). A l’époque des événements qu’elle raconte, en mai 1944, elle habitait à Dannemarie et travaillait, à la gare de Montreux-Vieux, qui marquait la frontière entre Allemagne et France. Son  travail consistait à recevoir les télégrammes en morse d’Allemagne, à les traduire en français et à les transmettre à Montreux-Jeune, ou vice versa  Elle  disposait de deux appareils pour cela : les communications se faisaient en morse avec l’Allemagne, et par téléphone avec la France. Ces télégrammes concernaient le trafic ferroviaire. Son frère vivait et se cachait en France sous une fausse identité; il venait à Belfort pour la voir et se rapprocher de la famille. Elle traversait la frontière illégalement pour le rencontrer. Son  compagnon, Jean Reusch, qui travaillait au même endroit qu’elle se mettait discrètement dans le train de Belfort lorsque celui-ci avait été contrôlé. Pour le retour, le chef de gare la faisait monter dans le train et elle en descendait à la frontière, où se trouvait son bureau, côté allemand. Elle l’avait déjà fait plusieurs fois, lorsque qu’elle s’est fait prendre.

En effet, les membres de la Gestapo et de la SS allaient passer leurs loisirs à Belfort. Ils la connaissaient bien, et l’avaient même surnommée la blonde du télégraphe. Ils la virent en ville, sans doute en compagnie de son frère, et se renseignèrent pour savoir si elle avait à travailler à Belfort, ce qui aurait expliqué sa présence. Lors de son dernier passage, le chef de gare l’avait prévenue qu’on l’avait vue à Belfort et qu’on avait posé des questions à son sujet. Il l’avait conseillé de ne pas retourner en Allemagne. Elle est  restée chez lui deux ou trois jours, mais elle avait  décidé de revenir car ils auraient arrêté sa famille. Elle avait donc regagné l’Allemagne en traversant les bois, grâce à un militaire autrichien qui lui montra le chemin. Quand on la vit, quelques jours plus tard, de nouveau à son poste de Montreux-Vieux, les autorités allemandes comprirent qu’elle passait  la frontière illégalement.  Ils sont  donc venus  l’arrêter à son travail et fut enfermée dans une cave compartimentée. Dans la cellule voisine se trouvait un soldat français qui avait voulu passer la frontière. Elle lui parlait  par la lucarne, sans se voir. Elle a passé entre 10 et 15 jours dans cette cellule mais elle n’a pas été mal traitée car tout le monde la connaissait. Sa famille n’avait pas été prévenue.

Puis elle fut  emmenée à Mulhouse, accompagnée de deux militaires et d’un gros chien. Sa marâtre avait pu venir à la gare de Montreux-Vieux pour lui apporter des vêtements. C’était en été, elle était enceinte de quelques mois. Elle passait 15 jours au moins à la prison de Mulhouse. Elle n’y fut pas maltraitée et elle n’ en garde pas de mauvais souvenirs. On la  conduisit ensuite à Strasbourg, dans un wagon cellulaire qu’on avait accroché en queue de train. Il y avait cinq cellules, deux de femmes et trois d’hommes, que surveillaient deux gardes. A Strasbourg, le train s’arrêta, et le wagon fut mis sur une voie de garage.
A peine y était-il que les sirènes sonnèrent l’alerte. Les deux gardes s’enfuirent se mettre à l’abri, mais ils ouvrirent auparavant les cellules des femmes. Ses compagnes et elle  avaient ainsi pu en sortir, sans toutefois pouvoir quitter le wagon. La plus grande confusion régnait parmi elles. Elle se souvient  qu’une femme a fait une crise de nerfs, elle écumait et elle est tombée par terre. Les hommes cognaient aux portes de leurs cellules pour se faire ouvrir, mais elles ne pouvaient  rien faire. Et, dans la troisième cellule des hommes, quelqu’un dit que l’on la demandait. C’était Jean Reusch, qui avait été arrêté aussi.

Le bombardement de la gare ne toucha pas le wagon. Au bout d’une heure environ, on les enferma de nouveau et le wagon fut accroché à un autre train. Il allait à Schirmeck ou elle fut internée sous le matricule 48, Bâtiment 14.

Son histoire complète sur https://archeographe.net/Marthe-Klinger-Camp-de-Vorbruck