Les Extradictions par Montreux-Vieux à partir de 1871
Lorsque tous les renseignements nécessaires ont été recueillis, l’une ou l’autre des deux solutions suivantes intervient :
Ou l’extradition est refusée, et la mise en liberté de l’inculpé est ordonnée par le Parquet dès qu’il est informé de la résolution du Garde des Sceaux. Le ministre des Affaires étrangères porte alors la décision du Gouvernement de la République et les motifs qui l’ont inspirée à la connaissance du représentant diplomatique du gouvernement requérant. Les pièces de justice lui sont renvoyées en même temps, ou peu après.
Si l’extradition paraît pouvoir être accordée, le Garde des Sceaux présente à l’agrément du Président de la République un projet de décret autorisant la remise de l’inculpé. Ce document spécifie la ou les inculpations pour lesquelles l’extradition est autorisée, et visé, soit la convention applicable, soit une déclaration de réciprocité antérieure, ou stipule que la remise a lieu sur la base de réciprocité.
Lorsque le décret a été signé par le chef de l’Etat, une ampliation en est adressée au service des transfèrements, auquel est aussi envoyé le dossier produit par le gouvernement requérant, toutes ces pièces devant, avec les objets et l’argent saisis en sa possession, accompagner l’inculpé lors de sa livraison aux autorités du pays requérant ou du pays de transit qui doivent le recevoir. En même temps, le ministre des affaires étrangères est mis à même de faire savoir au représentant du gouvernement requérant qu’il a été donné complètement ou partiellement satisfaction à sa demande.
(Remarquons en passant que la Convention franco-anglaise du 14 août 1876, conclue après la publication de la circulaire Dufaure, n’en a tenu aucun compte, son art. 6 considérant l’extradition comme décidée avant l’interrogatoire de l’inculpé. Malgré le caractère conventionnel du texte, et sa valeur législative en France, cette disposition est demeurée lettre morte.)
La remise des extradés. — Le service des transfèrements, annexe de l’administration pénitentiaire, qui, depuis le rattachement de cette administration au ministère de la Justice, relève directement du Garde des Sceaux, est chargé d’assurer la remise matérielle des extradés. Comme les mouvements des voitures cellulaires dépendent de diverses causes (comparution de prisonniers devant les Cours d’assises, exécution de peines de différentes durées, convois de relégués, etc.) il n’est pas possible de prévoir quelque temps d’avance les lieux et dates de remise de ces individus. C’est donc presqu’au dernier moment que, par des communications rapides, le ministère des affaires étrangères est mis en mesure d’adresser ces renseignements aux ambassades ou légations. Le service des transfèrements est même autorisé à les aviser officieusement dans les cas d’extrême urgence.
Les remises se font sur nos frontières de terre dans des gares désignées à cet effet : par exemple, dans nos rapports avec l’Allemagne, trois gares, celles de Norvéant, Deutsch-Avricourt et Montreux-Vieux pour les extradés amenés de France, et trois autres, celles de Pagny, Igney-Avricourt et Petit-Croix pour les extradés amenés d’Allemagne. La Convention du 20 janvier 1879 a affecté respectivement les gares internationales de Modane et de Bardonnèche à la remise des extradés aux autorités françaises et aux autorités italiennes.
Quand il s’agit d’individus livrés à une Puissance, qui n’a pas avec nous de frontière commune, deux cas peuvent se présenter :
Ou l’inculpé est emmené par mer : un ou plusieurs agents de police dépendant du gouvernement requérant viennent d’ordinaire en prendre charge lors de son embarquement, qui est effectué soit sur un navire français (le capitaine demeurant alors responsable du prisonnier dont l’agent étranger a la garde matérielle), soit sur un navire battant pavillon du pays requérant. L’embarquement sur un navire de nationalité tierce pouvant donner lieu, de la part du gouvernement de la marine duquel il fait partie, à l’exigence d’unedemande d’autorisation de transit (cas qui s’est produit avec l’Allemagne), on évite en fait ce mode de transfert.
Livraison par voie de transit. — L’inculpé est remis aux autorités d’une Puissance limitrophe. Cette livraison est, bien entendu, précédée d’une communication du gouvernement requérant, faisant savoir que le transit par le territoire dudit Etat a été autorisé. Les indications relatives aux lieu, jour et heure de remise font l’objet d’un échange de lettres ou de notes entre le ministère des affaires étrangères et l’ambassade oulégation du pays requérant, celle du pays de transit n’ayant pas à intervenir dans la négociation pour le succès de laquelle
sources: Journal du droit international privéClunet, Édouard (1845-1922).