SENGER Jules, Xavier, Antoine

SENGER Jules, Xavier, Antoine

Né le 5 mai 1902 à Montreux-Vieux (alors Altmünsterol, Haute-Alsace annexée), mort le 4 juin 1988 à Mulhouse (Haut-Rhin) ; instituteur dans le Haut-Rhin ; militant syndicaliste, laïque et socialiste ; secrétaire général de la section SNI du Haut-Rhin de 1936 à 1939, en 1945, de 1952 à 1956, secrétaire départemental de la FEN du Haut-Rhin ; secrétaire général de la Fédération des Œuvres laïques du Haut-Rhin.

Fils de Jules Senger, visiteur des chemins de fer, et de Mathilde née Graff, Jules Senger fréquenta l’école primaire catholique où il fut l’élève de Joseph Rossé, futur leader de l’autonomisme catholique du Haut-Rhin. À partir de 1914, à la suite de l’occupation de son village-frontière par l’armée française, son école tenue par des instituteurs militaires devint laïque. En 1916, après avoir réussi le certificat d’études primaires, il fréquenta d’abord l’école primaire supérieure française créée à Montreux-Vieux, puis celle de Luxeuil (Haute-Saône) en 1917-1918. Il fut reçu à l’École normale d’instituteurs de Belfort en 1920 et nommé instituteur à Sainte-Croix-en-Plaine (Haut-Rhin), puis muté dans trois communes où il était aussi secrétaire de mairie (Saint-Cosme, Bellemagny, Éteimbes). Bien que libre penseur, il se maria religieusement (pour pouvoir continuer à enseigner en Alsace « concordataire », selon son témoignage) le 5 avril 1926 à Retzwiller (Haut-Rhin) avec Jeanne Nussbaum, une institutrice fille d’instituteur. Ils n’eurent pas de postes doubles avant 1932, année où ils furent nommés à Ensisheim dans le bassin minier de la potasse. Dans ses classes, Senger utilisait les méthodes actives (aéromodélisme, linogravure, imprimerie à l’école) ; il était délégué départemental de l’École moderne (méthode Freinet).

Senger adhéra au Syndicat national en 1922. Membre du conseil syndical de la section départementale, dite La Fraternelle, en 1934, il fut élu au Conseil départemental de l’enseignement primaire en 1935 et devint secrétaire départemental du Syndicat national des instituteurs en 1937, Il suivait la montée de la menace hitlérienne à la radio allemande et était persuadé que la guerre menaçait. Mais, pacifiste acharné, à l’inverse d’une bonne part des militants alsaciens du SNI, il approuva la non-intervention en Espagne et les accords de Munich. Il participa seulement aux souscriptions en faveur des républicains espagnols.

Militant laïque, Senger envoyait régulièrement à Joseph Rollo, responsable national de l’action laïque du SNI, des informations sur les luttes contre le régime scolaire confessionnel. Délégué à tous les congrès nationaux du SNI à partir de 1936, au congrès de 1938, il critiqua à la tribune la faiblesse de l’action syndicale pour l’introduction des lois laïques en Alsace et en Moselle. Il appartenait aux organisations laïques : cercle Jean Macé de la Ligue de l’Enseignement , Ligue des Droits de l’Homme, ainsi qu’à la Libre Pensée. Il participa en 1937 à l’achat des locaux pour la première auberge de jeunesse laïque d’Alsace, l’auberge Dynamo au Petit Ballon. Politiquement, il avait appartenu à la section socialiste SFIO de Montreux-Vieux jusqu’à sa dissolution en 1925. Il adhéra à nouveau en 1932 à Ensisheim.

Mobilisé en décembre 1939 comme soldat de deuxième classe, il était présent en Alsace annexée de fait et nazifiée après l’armistice. Il fut alors arrêté par la police allemande en juillet 1940. Les mois suivants, pourtant, il fut autorisé à reprendre ses fonctions, ce qui impliquait la signature de trois déclarations, la première approuvant le retour de l’Alsace allemande au sein du Reich, la deuxième, acceptant qu’en sa qualité de fonctionnaire et d’éducateur allemand, d’enseigner n’importe où dans le Reich et la troisième qu’il était prêt à se mettre au service actif du Führer et de la Grande Allemagne. Comme tous les enseignants alsaciens, il fut alors obligé d’effectuer un stage de trois mois d’ « Umschulung » (reconversion-rééducation) en Bade. Comme environ 900 de ses collègues, à l’issue du stage, il ne put pas retrouver son poste en Alsace dont il restait titulaire, mais qui était confié à un Allemand et il fut affecté en Bade, à Lahr et dans des localités voisines jusqu’en 1945.

En 1945, il reprit son poste à Ensisheim et ses fonctions de secrétaire départemental du SNI. En juin 1945, il tenta au cours d’une réunion qui groupait plusieurs centaines d’enseignants, dont certains anciens du Groupement professionnel (où se retrouvaient avant guerre autonomistes et cléricaux) et de l’Union nationale (droite patriote), d’unir tous les enseignants du primaire du Haut-Rhin dans le SNI. L’affiliation à la CGT et la fidélité à la laïcité firent échouer le projet et le SGEN s’implanta et devint le syndicat majoritaire dans l’enseignement primaire. Il refusa alors de continuer à assurer le secrétariat général, ce qui provoqua la convocation d’une assemblée générale extraordinaire le 11 octobre 1945, au cours de laquelle le communiste Marcel Guillemard fut désigné pour lui succéder. Senger resta secrétaire, gérant du bulletin La Fraternelle jusqu’en 1949. Dès janvier 1946, il aborda la question de l’enseignement de l’allemand à l’école primaire, enseigné jusqu’en 1939 à partir du CE1, suspendu depuis la Libération : il proposait alors de le reprendre au CM2. À la commission exécutive du 5 février 1948, il s’opposa à Marcel Guillemard qui plaidait pour le maintien du SNI à la CGT en se prononçant pour l’autonomie. En octobre 1952, à la suite du départ de Guillemard à la retraite, il revint au secrétariat général de la section. En cette qualité, il s’éleva auprès du recteur de l’académie de Strasbourg contre la tentative de confessionnalisation des écoles maternelles (qui n’avaient été introduites qu’en 1923 et ne tombaient donc pas sous le coup du droit scolaire local). Contrairement à sa position de 1946, il protesta violemment contre le décret du 18 décembre 1952 introduisant l’enseignement de l’allemand dans les classes de fin d’études. En mai 1953, il dénonça la circulaire ministérielle autorisant le chanoine Elchinger, directeur diocésain de l’enseignement religieux, à faire des conférences pédagogiques religieuses aux instituteurs pendant les heures de classe. En novembre 1952, il joignit à la direction départementale du SNI la fonction de secrétaire départemental de la FEN, fonction transférée en octobre 1953 à Jean-Jacques Schwob* du SNET, tandis que Senger devenait secrétaire adjoint. En juin 1956, après avoir évoqué « de mesquines querelles de personnes ou des rivalités de tendances », « des intempérances de langage » et des « décisions irréfléchies », son rapport moral annonça qu’il était fermement décidé à ne plus présenter sa candidature aux fonctions de secrétaire général. Le 12 juillet 1956, il fut remplacé par Pierre Albouy.

Ami personnel d’Albert Bayet, il fut dès 1945 délégué de la Fédération du Haut-Rhin de la Ligue française de l’Enseignement. En cette qualité, il organisa les 21 et 22 juillet 1946, le transfert des cendres de Jean Macé de Monthiers (Aisne) à Beblenheim (Haut-Rhin). Il publia en janvier 1949 avec Paul Barret une brochure Le problème scolaire en Alsace et en Lorraine aux Éditions Temps futur à Paris dans la collection « À l’ordre du jour ». Ce texte fut réédité en décembre 2001 par Édouard Boeglin dans sa collection « La documentation républicaine » (Édimaf, éditeur) sous le titre Bismarck chez Jules Ferry, qui se réfère au bandeau de couverture de la première édition « Le comte von Bismarck Bohlen et le Generalfeldmarschall von Manteuffel régissent encore l’enseignement primaire dans trois départements français ». À la suite d’une protestation épiscopale, il fallut retirer le bandeau. Sous sa triple casquette de délégué de la LFE, de responsable syndical et de responsable du conseil départemental de parents d’élèves, Senger créa en 1948 et anima le Cartel d’action laïque du Haut-Rhin.

Senger, nommé en 1951 directeur de l’école primaire Nessel à Mulhouse, la dirigea jusqu’à sa retraite en 1964. Il garda le secrétariat général de la FOL du Haut–Rhin. Il fut nommé chevalier dans l’ordre du Mérite en 1967.