Le coq gaulois
24 novembre 1918 Christian Seyjel habite Montreux-Vieux, en Haute-Alsace, a quatre grandes enjambées de la Suisse. C’est un ouvrier Mécanicien-horloger de grande capacité, et de plus Français du fond du cœur et excellent patriote. S’il est demeuré en Alsace, c’est que, né dans le pays, il est tout de suite, entré en apprentissage dans la maison où il travail encore et qu’il redoute les aventures de la pierre qui roule. 11 s’est marié avec la petite Margrédel, maintenant mère de famille : car le ménage a quatre enfants dont l’aîné va atteindre dix ans.
Lui, Christian en ; trente six. Son travail obstiné, ses connaissances et son adresse-indéniable lui ont donné une petite aisance ; pour lui-même, il dépense peu, parce que ses dimanches et jours de fête, il les passe chez lui, bricolant après une horloge de son invention. Il fait de l’horlogerie française, et n’a aucune estime pour ces coucous de la Forêt-Noire, que l’on croit fabriqués en Suis se et qui nous viennent directement d’Allemagne.
« D’abord, pourquoi un coucou ? s’est-il dit. Ce qu’il lui faut, c’est un coq, un vrai coq gaulois qui soit réellement un réveille-matin. Il faut qu’il, chante trois fois, à une minute d’intervalle. Ce sera peut-être difficile, mais avec la patience j’y arriverai. Et quand j’aurai réussi, je vendrai mon invention à mon patron, ce qui me permettra d’envoyer mon aîné à l’école d’horlogerie, de Besançon et d’en faire plus tard un ouvrier calé… »
Et Christian Seyjel y serait arrivé… si la guerre n’était, pas survenue. An lendemain de la mobilisation, il rentra en France et alla se mettre a la disposition du général commandant la place de Belfort. Quant à sa femme et à. ses enfants, il les expédia en Franche-Comté, chez des parents, parce que Montreux est vraiment trop près de la frontière, pour que l’on y soit en sûreté. Son horloge était pourtant, bien avancée. Il ne manquait plus qu’une note au cocorico mais elle était difficile à obtenir. Pour le reste, tout était prêt; engrenages, cage et cadran. Il avait même fait appliquer en lettres de cuivre, au-dessus de celui-ci la mention : « Quand ce coq chantera, l’armée française viendra, « Car Christian avait bon espoir dans la revanche. Pourvu que je sois prêt- à ce moment ! se disait-il quelquefois. En attendant, il parlait et le coq gaulois de son horloge ne chantait pas encore,
Le 4 août, un détachement de « troupes allemandes, Montreux-Vieux, se trouvant en pays annexé vient occuper la ville pour la défendre contre l’arrivée éventuelle des Français. Ce sont des soldats bavarois, une compagnie avec ses officiers un hauptmann, un leutenant et deux oberleutnants, qui, tout naturellement, apprenant que la maison de Seyjel est .inhabitée, s’y installent à leur aise; après l’avoir minutieusement visitée et inventoriée. Le hauptmann, revenu dans la salle à manger aperçoit le le réveille-matin posé sur la cheminée et lit l’exergue : Quand ce coq chantera… Che n’aime bas ça ! grogne-t-il. Un oberleutnant par flagornerie pour son chef pousse l’horloge de la pointe de son sabre et la fait tomber à terre eu ricanant. Il ne chantera bas ! dit-il. Mais-en tombant la cage du réveil s’est ouverte et un petit oiseau s’en échappe… Un coq, un vrai petit coq .gros comme une noix, la crête en bataille, le bec ouvert, les plumes hérissées, droit sur ses ergots, la flamme de sa queue mordorée et retombante. Le hauptmann le ramasse, l’examine et le jette sur la table juste au moment où les ordonnances de ces herr viennent dresser le couvert. Les officiers se mettent à manger, à engloutir des monceaux de victuailles, arrosés de nombreuses bouteilles de vin, car outre la bière on a découvert un tonneau dans ta cave de Christian Seyjel . Les ordonnances ont disparu, annonçant au leutnant et. aux deux sous-lieutenants qu’ils logeront à l’ Hôtel du Pigeon-Blanc, où on a préparé leurs chambres, le haupt mann se réservant pour lui seul la maison de l’horloger. Après le repas, nouvelles bouteilles vidées à la santé du kaiser et à la prochaine occupation de Paris par les troupes allemandes. Tout en buvant, le capitaine a repris le petit coq et. l’ayant placé dans son assiette, s’amuse à le piquer avec la pointe de son couteau… Enfin, comme il se fait tard, on porte un dernier toast et laisse trois officiers subalternes gagner le logis qui leur est destiné. et hauptmann reste seul. Il a la tête un peu lourde et des yeux vagues ; il n’y a que quelques pas à faire pour aller se coucher. Cinq minutes plus tard, des ronflements sonores dans la maison vide indiquent qu’il est plongé dans le sommeil.
Les heures passent. Le capitaine, rêvant, probablement de monstrueux et de chapelets de petites saucisses, ou encore de son entrée triomphale clans la capitale du monde, ne s’en rend pas compte… Tout à coup, il se réveille en sursaut… Un formidable « cocorico » vient de retentir presque à ses oreilles lui semble-t il. Dans la fumée de son ivresse, mal cuvée, un souvenir lui revient : « Quand ce coq chantera, l’armée française ici viendra ! » Il saute du lit, s’habille à la hâte el passe dans la salle à manger… ,Lc coq gaulois qu’il a massacré dans son assiette, la veille, n’y est plus… Che n’aime bas çà ! grogne-t-il. En ce moment, il entend les clairons de France qui sonnent la charge dans la rue, sous ses fenêtres… II hésite, n’ose pas sortir… Mais il est bientôt tiré d’indécision. Par la porte brusquement enfoncée paraissent les képis rouges… Clément ROCIICL
Sources : Le Petit journal Supplément du dimanche 24 novembre 1918
Création du C.C.A.S
24 novembre 2008 Le Centre Communal d’Action Sociale (CCAS) de Montreux Vieux a été créé le 24 novembre 2008.
Une pensée pour :
- Monsieur Patron François, décédé le 24 novembre 2001
- Monsieur Hanser Gérard, décédé le 24 novembre 2003